Avis sur le film Disparitions (2005) par Schwitz (2025)

Courageuse adaptation par le dramaturge et réalisateur Christopher Hampton du roman primé de Lawrence Thornton, mal accueillie notamment à la Mostra à l'époque, en même temps le sujet traité est difficile et le film ne s'en sort pas toujours très bien, explications:

Nous voilà devant un film que beaucoup pourraient considérer comme manquant de respect aux victimes de la torture, des enlèvements et des assassinats en Argentine, de par son parti-pris d'être une fiction et non un véritable film historique, en insérant du fantastique plutôt que du réalisme et en nous présentant une histoire très romancée, cependant ce principe, bien que déstabilisant après avoir assisté aux premières minutes du film, qui nous montrent des images d'archives, nous permet de comprendre le fait que nous nous souvenons de ce qui est arrivé à tous ces gens (et bien d'autres aujourd'hui dans le monde entier, comme le disent les derniers mots du film) grâce à la bonté de certains, en insistant sur le point essentiel de cette histoire mystique, c'est que l'amour, l'imagination, la mémoire et l'empathie sont des armes contre l'inhumanité.

Antonio Banderas tient le rôle central avec une forte présence scénique, Emma Thompson est déchirante en mère de famille malmenée, mais toujours passionnée. Autour de nos deux acteurs principaux, on retrouve un casting peu huppé mais intéressant, composé majoritairement de latinos et de quelques acteurs anglais (Claire Bloom et Leticia Dolera se profilent ainsi comme de vraies découvertes).

Le scénario, prenant place durant la plus sombre période de la dictature militaire en Argentine, pourrait se résumer comme tel: Tandis que les événements historiques se mettent en place, notre personnage central va développer une sorte de "sixième sens" lui permettant de littéralement voir les horreurs qui ont eu lieu ou sont encore à venir, pendant le film, de nombreux éléments tels que les productions théâtrales subversives dirigées par Carlos (Banderas) et interprétées par des enfants, illustrent pourquoi les régimes répressifs ciblent systématiquement les artistes et les étudiants créatifs.

On pourrait penser que le film pourrait se résumer en un crossover entre Missing et Sixième Sens, cependant ce n'est pas un mince exploit que de combiner un thriller politique avec des éléments de fantastique. Hampton fait un travail de croisement très correct, avec une vraie qualité cinématographique, et une performance sincère de ses acteurs. Les fans de films tels que Salvador pourront sûrement grimacer quant à l'aspect paranormal du film, mais les plus ouverts sont susceptibles d'avoir la réaction inverse.

Antonio Banderas a une propension pour la recherche de rôles tourmentés, même dans "Spy Kids" c'est dire, c'est un acteur dont les rôles joyeux se comptent sur les doigts d'une main. Encore une fois dans ce film, son regard penché vers le bas, son front toujours plissé et ses lèvres tellement pincées qu'il faudrait des tenailles pour les séparer, travaillent en sa faveur dans ce drame politique dérangeant.

Le rôle de Carlos est ainsi parfaitement ajusté pour lui, il joue le chef de la compagnie de théâtre pour enfants de Buenos Aires dans les années 1970, un homme qui pense que les artistes peuvent aider en temps de crise, qu'il peut allègrement poursuivre son travail et ignorer les actions répressives de la dictature militaire. Emma Thompson fait autorité en jouant une sorte de Katharine Hepburn dans un genre de femme journaliste, Cecilia, qui refuse de laisser impunis les actes de la junte. Quand Cecilia rapporte des témoignages sur les disparitions inexpliquées de ses compatriotes argentins, elle subit bientôt la loi de la dictature et se voit ajoutée au nombre toujours croissant de disparus, forçant Carlos à sortir de sa passivité.

Le couple au centre de l'intrigue de ce film est fictif; malheureusement, la répression en Argentine à ce moment-là ne l'est pas. Plus de 30.000 personnes finiront par disparaître avant le renversement du régime.

Imagining Argentina prend une direction poétique par-dessus ces circonstances effrayantes, parfois au détriment du film. Carlos découvre soudain qu'il est clairvoyant sur le sort de ceux arrachés à leurs foyers. En tenant la main d'un garçon dont le père a disparu, Carlos peut deviner son sort. Bientôt, il met en place des réunions de groupe regroupant une multitude de parents morts dans l'âme, cherchant à savoir ce que sont devenus leurs proches. Carlos dit les choses comme il le voit, même quand il voit la mort.

Hampton, lauréat d'un Oscar pour son scénario des "Liaisons Dangereuses", est beaucoup plus habile avec les mots qu'avec des visuels, et ça se sent. Les conversations entre Carlos et Cecilia sont éclatantes, permettant à Banderas et Thompson de montrer ce qu'ils peuvent faire avec un dialogue intelligent. Notamment une séquence magique de souvenir, où les dialogues sont prononcés avec une justesse d'émotion et de timing à tomber.

Hampton aurait cependant pu être plus créatif dans la représentation des visions de Carlos, avec un noir et blanc, ou un ton granuleux, ou tout simplement en trouvant un moyen de les distinguer des autres scènes. Telles qu'elles sont présentées, il est souvent difficile de différencier ses visions du reste du film, surtout celles apparaissant à un moment où on ne s'y attend pas. Il y a un doute persistant: Carlos est-il vraiment en possession d'un don ou est-il un charlatan? Peut-être a-t-il même été rendu fou par la perte de sa femme?

En dehors de ces petits défauts visuels, on assiste à de beaux passages lorsque notre personnage voyage, et si la photo n'est pas toujours très belle, les paysages filmés le sont, en revanche.

Un passage où Carlos voyage à la campagne, suite à une de ses visions et rencontre deux immigrés juifs qui ont survécu à un camp de concentration nazi est superbe de ce point de vue. Il y a un autre tronçon merveilleux de dialogue où la femme juive explique sa définition de la liberté, une séquence pas anodine, puisque totalement liée symboliquement avec le final, un final plus optimiste que ce que nous pourrions imaginer au départ, compte tenu de l'ambiance générale du film.
Mais pour nous ancrer dans la réalité, nous avons quand même droit à une séquence similaire à celle du début, avec voix off, juste avant le générique, histoire de nous rappeler, malgré son statut de fiction romancée, le sujet dont traite ce film.

Pour conclure, il est à souligner que malgré ses défauts, le film fait bien le travail pour nous aider à imaginer ce que doivent ressentir les personnes ayant perdu un enfant, un parent, ou un ami pendant cette triste période de l'histoire argentine.

Avis sur le film Disparitions (2005) par Schwitz (2025)

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